vendredi 28 décembre 2012

Ma vision du métier (2ème partie) : Adaptabilité


Depuis la fin de mes études universitaires, j’ai connu des expériences très diverses qui ont toutes contribué à la prise de conscience d'un paramètre qui me paraît fondamental dans le métier d’enseignant aujourd’hui : l’adaptabilité.

Que ce soit dans ma fonction d’assistant de français dans un lycée anglais à Londres en 1990 (mes premiers pas dans le métier d’enseignant), dans celle de formateur en anglais dans une école de commerce à Bordeaux, dans mon métier d’enseignant de français et d’anglais dans des lycées professionnels en ZEP à Marseille et dans la banlieue bordelaise, dans mes missions pédagogiques au Centre Pénitentiaire des Baumettes à Marseille ou avec des élèves de lycée général ou de BTS avec le GRETA dans cette même ville, ou lors des expériences plus récentes d’enseignant d’anglais dans un lycée hôtelier de Bergerac ou encore de documentaliste-assistant dans un lycée de Périgueux, j’ai pu mesurer l’importance de cette notion d’adaptabilité.

J’ai réellement pris beaucoup de plaisir à vivre ces expériences très différentes les unes des autres, même si parfois certaines étaient particulièrement exigeantes sur le plan nerveux. A chaque fois, j’ai eu l’impression d’apprendre un nouveau métier ou du moins de le redéfinir en fonction du public que j’avais en face de moi. J’ai été sensible à l’environnement et à la façon dont il influe sur notre personne. Pas toujours de façon positive, surtout au début… Il m’a fallu trois bonnes semaines pour m’habituer aux nombreuses grilles fermées,  aux odeurs pestilentielles et à mon ancienne cellule reconvertie en salle de cours improvisée à la prison des Baumettes. Il m’en fallut moins pour prendre mes repères dans l’immeuble bourgeois d’une école de commerce du Cours du Chapeau Rouge à Bordeaux.

Des lieux différents qu’il faut s’approprier, des apprenants différents aussi, bien évidemment.  On ne s’adresse pas de la même façon à des enfants de bonne famille de la bourgeoisie bordelaise et à des détenus purgeant une longue peine dans un centre pénitentiaire. Sans aller jusqu’à ces extrêmes, on n’enseigne pas de la même façon à des élèves de ZEP d’une grande agglomération et à des élèves d’un lycée en zone rurale. Les anglo-saxons utilisent un terme que j’apprécie particulièrement : le background. En français, il faut plusieurs mots pour le définir : ce sont tout à la fois les antécédents, le passé de la personne, son cadre de vie, son milieu socio-culturel.  Prendre en compte ce background, c’est adapter son discours pour que le message puisse passer plus efficacement.

J’ai parlé dans un article précédent de l’importance pour moi de la dimension humaine dans la relation pédagogique. Enseigner de façon efficace c’est donc également adapter sa propre communication au public auquel on s’adresse. Lors de discussions passionnées en salle des profs, j’ai entendu parfois certains enseignants dire « c’est aux élèves de s’adapter à moi, pas l’inverse ! ». Si je peux (essayer de) comprendre cette posture, je ne la partage pas vraiment. Il ne s’agit pas de pratiquer autant de discours différents qu’il y a d’élèves dans une classe, c’est bien sûr matériellement impossible. Il s’agit plutôt de « sentir » le climat de la classe, d’observer les comportements des élèves et de définir différents types de profils (l’élève meneur ou l’élève passif, l’extraverti ou l’introverti, le sérieux ou le dilettante …).

Mon expérience me fait dire qu’il est plus aisé de motiver les élèves lorsqu’on a déterminé ces profils et que l’on sait donc comment s’adresser à eux. Il ne me semble pas pertinent de parler de la même façon à tel ou tel élève qui rechigne à se mettre au travail. En pareil cas, si l’on se doit d'être exigent de la même façon avec tous les élèves, par souci d’équité notamment, il sera plus judicieux d’adapter le ton de sa voix selon que l’élève est timoré ou volubile, par exemple.
J’entends souvent des collègues me dire : « on n’est pas là pour jouer le psy ! ». Certes. Mais comprendre les fonctionnements différents de nos élèves, ce n’est pas à mon sens « jouer le psy ». C’est simplement apprendre à mieux les connaître pour rendre notre message plus efficace et donc être plus performant dans notre mission d’enseignant. Il m’est arrivé d’être fatigué ou dans un "jour sans" et de ne pas pouvoir faire l’effort d’adapter mon discours en fonction des groupes d’élèves d’une classe. Le résultat est quasiment toujours contre-productif. Vouloir « passer en force » ne marche pratiquement jamais. Au pire, on obtient un climat de classe tendu et l’on s’épuise nerveusement, au mieux, on rend la classe complètement passive. Dans les deux cas, le cours n’aura servi à rien ou presque. Adapter son discours, c’est donc favoriser un climat de travail dans la classe, à fortiori lorsqu’il y parfois des résistances à l’acquisition du savoir.

Le savoir, c’est bien de cela dont il s’agit. La question qu'un grand nombre d’enseignants se posent aujourd'hui est souvent celle-ci : à l’heure des nouvelles technologies - où un élève malin pourra cliquer sur son smartphone (dissimulé dans sa trousse bien sûr) pour obtenir illico une information ou une traduction sur internet – détenons-nous encore ce savoir de la même façon que nos pairs il y a ne serait-ce qu’ une trentaine d’années ? La réponse est NON, bien évidemment. Si l’ordinateur nous rend notre vie d’enseignant et de citoyen infiniment plus facile, il permet aussi aux élèves de contourner la personne du maître pour avoir accès au savoir.

Il s’agit donc pour l'enseignant d'aujourd'hui non seulement de s'adapter à différents publics mais également d'adapter son métier aux nouvelles exigences imposées par l’ère du multimédia. Cela fera l’objet d'un troisième et dernier article sur ma vision du métier d'enseignant, intitulé "Diversité".

2 commentaires:

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